Tout comme les cigognes, le soleil semble avoir migré dans les pays chauds cet hiver ! Grisailles, pluies et vents sont devenus le quotidien ces dernières semaines. Tant pis, on enfile quand même les chaussures de marche pour aller prendre l'air des forêts. De Salm à Prayé, un vent glacial balaye les contrées et la pluie cingle les visages. Parfois, la bruine donne un côté mystérieux aux arbres et aux rochers. Et du mystère, il y en aura encore, surtout lorsque nous tombons sur cette étrange pierre levée... Tant de questions se poseront autour de ce monolithe dressé et, bien sûr, nous ne pouvons répondre à aucune d'entre elles ! Comme il n'éxiste aucune histoire sur cette pierre, j'ai donc demandé à une amie de lui en inventer une...
Carte IGN : 3616 OT
Une légende des Hautes Chaumes
De méméoire d'homme, "il" avait toujours érré sur les Hautes chaumes ou dans les bois, arpentant les montagnes au travers des saisons, qu'il neige, qu'il pleuve ou qu'il vente. Dans toute la contrée, du lac de la Maix, en passant par le col de Prayé, de la Tête des Blanches Roches jusqu'à la chapelle de Bipierre, on racontait sur lui les pires histoires. Que c'était le fantôme d'un meurtrier qui cherchait vainement à expier ses fautes, que c'était un bandit de grand chemin toujours prêt à occire les pauvres marcaires perdus sur les hautes chaumes et même que c'était un ogre mangeur d'enfants ! Mais là, je crois que c'était une invention des mères de familles qui ne savaient plus comment tenir leur progéniture...
C'est vrai que même de loin, il faisait peur à voir...
Il faut avouer que Dame Nature ne l'avait pas gâter : en plus d'une barbe hirsute, il avait une grosse bosse dans le dos, qu'il essayait veinement de cacher sous une houppelande... On l'appelait "l'ermite bossu".
Il ne faisait rien pour changer ni améliorer sa triste réputation, au contraire. Ne disait-on pas que dans un accès de folie furieuse il avait détruit de ses mains la petite marcairie dans laquelle il fabriquait autrefois de délicieux munster ?
De la bâtisse qui se dressait jadis fièrement au milieu des bois, ne restaient que de lamentables ruines ainsi que sa carriole détruite et des arbres arrachés, signes de sa rage...
Personne ne savait ce qui l'avait conduit à de tels égarements et personne ne cherchait à le savoir. Ayant détruit sa petite marcairie, il vivait maintenant dans une grotte qu'il regagnait chaque soir, après ses interminables marches, pour y trouver un repos précaire et une nourriture rustique.
Dés l'aube, il repartait. Même lorsque les nuages emprisonnaient la forêt tout au long du jour comme dans une gangue de lumière grise et triste. Mais contre toute attente, ses marches sans but prirent un jour une autre tournure et apportèrent une lumière étonnante à sa vie.
En effet, il rencontra une autre "ermite bossue" !
Elle avait la même bosse dans le dos et comme lui, elle aimait arpenter les monts et les vaux, quelque soit la saison. Elle connaissait beaucoup des secrets de la nature et les partagea avec lui.
Elle lui apprit à parler aux arbres et aux pierres pour en recueillir la force et la sagesse. C'est ainsi que prit fin la rumeur de "l'ermite bossu" dans la région des Hautes Chaumes. Mais si un jour vous prenez le temps de vous y perdre, vous trouverez certainement ce joli enclos où s'élèvent deux pierres tombales. Peut être s'agit-il de celles de nos deux ermites bossus ?
Un texte de Véronique A.