Par un bel après-midi d'octobre, je vais aller me promener dans le Kochersberg. Le Kochersberg désigne ici une vaste étendue de terres agricoles, très fertiles, au Nord de la plaine alsacienne. J'ai entendu parler récemment d'une petite source qui ne tarit jamais, réputée pour ses vertus thérapeutiques. Son eau soigne les maladies contagieuses et cutanées. Un filet d'eau jaillit entre les racines des acacias et des noisetiers.
Autrefois, elle coulait entre le ban de Wittresheim et celui de Huttendorf, et les deux communes se bataillaient pour en obtenir la propriété. L'affaire avait même été portée en justice ! -Mais un jour, la source dévia son cours (peut-être l'a t-on aidé un peu ..?) et coula alors nettement vers Wittersheim. C'était un 4 juillet, jour de la St Ulrich.
Une trentaine de familles juives étaient recensées à Wittersheim en 1784. Et comme les chrétiens ne se mélangeaient pas aux juifs dans les lieux publics, il en était de même le jour de la lessive. Il a donc fallu construire des lavoirs bien distincts à St Ulrich ! Les juifs reçurent deux bacs à gauche de la source, tandis que les chrétiens obtinrent trois lavoirs pour la lessive et abreuver les bêtes.
Dans le village de Minversheim, on raconte que la source rendait les femmes fécondes et nombre d'entre elles en sont revenues enceinte. Mais cette fois-ci, l'eau de St Ulrich, aussi pure soit-elle, n'y est pour rien. Après enquête, il s'avère que les filles tombaient enceinte à chaque fois que des garçons se trouvaient dans les parages ...
Carte IGN : 3715 ET
Les récoltes sont terminées dans le Kochersberg et il faut maintenant songer aux labours et aux semailles des céréales d'hiver
Les nuages se reflètent dans les flaques des chemins boueux
Les parcelles de terres agricoles sont souvent bordées de peupleraies
L'Aster attire des Syrphes et autre insecte butineur
Un petit sentier a été aménagé et mène vers la source
La source St Ulrich et les 2 bacs à gauche réservés à la communauté juive
La source St Ulrich avec ses rigoles et lavoirs
Les abeilles sont encore actives !
En Alsace, les bancs reposoirs sont souvent encadrés de marronniers afin d'apporter de l'ombre au paysan qui se rend au marché. Il peut déposer son fardeau sur le grès pour soulager ses épaules. Ce banc Eugénie porte la date de 1854
Le circuit de la source est bien balisé
Les chevreuils détalent à la moindre approche
Un chat des champs à Minversheim
Minversheim et ses vignes
Ce Bildstock est daté de 1689
Une houblonnière avec ses longues perches de bois. En été, le houblon part à l'ascension de la structure de bois et de fils de fer. C'est une culture typique du Kochersberg
Au fond, on aperçoit le bois d'Alteckendorf
Les bois et les boqueteaux offrent des abris pour les chevreuils et les sangliers
Un noyer isolé au bord d'un chemin. Parfois, on le retrouve seul en plein milieu d'un champ
L'histoire de cette chapelle placée sous le vocable de l'Immaculée Conception est triste et insolite. La voici :
Comme beaucoup d'alsaciens, Jean Oster âgé de 25 ans, était incorporé dans la Grande Armée de Napoléon Bonaparte. En 1812, il participa à la campagne de Russie et y fut fait prisonnier. Rongé par la faim, le froid et la vermine, Jean fit le voeu de bâtir une chapelle à Hochstett, son village natal, s'il parvenait à sortir vivant de cet enfer. Par miracle, il fut libéré deux ans après et put rentrer chez lui. Ce n'était malheureusement pas le cas pour la plupart de ses camarades. Jean se maria en 1815 et fonda une famille. Le vétéran de guerre n'oubliait pas la promesse faite dans le camp de prisonnier et une chapelle fut construite en 1822. Mais pour Jean Oster et sa famille, les malheurs allaient commencer ... 6 de leurs 7 enfants moururent entre 1823 et 1855, ainsi que son épouse en 1848 ! L'avant dernier fils fut enrôlé dans l'armée de Napoléon III, et mourut d'une maladie à Constantinople en 1855, lors de la guerre de Crimée. Après toutes ces épreuves, le vieil homme se retrouva seul. Il s'installa chez son frère à Batzendorf et mourut le 16 janvier 1876. Cette modeste chapelle invite le visiteur à déposer le fardeau de ses peines et ses tracas le temps d'une prière ou d'une méditation. Un peu à l'écart et au calme, le petit sanctuaire permet de se recueillir l'espace d'un instant pour repartir l'esprit serein et le coeur apaisé ...