Tout commence sous le vieux donjon du Waldeck. L'automne est déjà bien avancé. Du jaune d'or, les feuilles restantes virent à l'orangé. La lumière tombe lentement de côté en ce mois de novembre. Des ombres furtives dans les sombres forêts, on croit apercevoir une flammes dansante dans les rochers ... Rêves ou réalités ?
Carte IGN : 3713 ET
Une lumière de paille dans la première heure du jour
Sous le donjon du Waldeck
la légende du pont de pierre du Zinzelbach
Le couple idéal
On raconte que vivait jadis dans le pays de Bitche, un couple très aimant. Waltraud et Gottfried Nadler étaient très attentionnés l'un pour l'autre. Les époux vivaient dans une entente si parfaite, qu'en 35 ans de mariage, pas un mot déplaisant n'était venu troubler le beau tableau qu'il faisait. Leur maison était à l'image du couple, belle, entretenue, bordée de fleurs. De même, l'intérieur était le reflet de l'extérieur : propre, coquet et fleuri quotidiennement par la maîtresse des lieux. En s'approchant de leur logis, les badauds, envieux, se laissaient bercer par la voix mélodieuse de Waltraud, qui chantait à tue-tête.
Aussi attentifs qu'ils le furent pour leur maison, les époux faisaient preuve d'une hospitalité exemplaire. Waltraud et Gottfried venaient en aide à chaque miséreux qui se présentait sur le pas de leur porte. Par ailleurs, ils traitaient leurs employés avec le plus grand respect. Le dimanche venu, le couple ne manquait jamais de se rendre à la messe avec solennité, endimanchés comme il se devait : Waltraud portait toujours sa belle robe noire à fleurettes mauves et Gottfried revêtait sa redingote bleue et ses souliers à boucles.
Une union stérile
La seule ombre qui pesait sur l'existence de Waltraud et Gottfried, c'était le fait que le destin ne leur avait pas accordé d'enfant. Le curé ne manquait pas de citer en exemple la déconvenue du couple, pour faire entendre à ses ouailles qu'un plein bonheur n'existait pas sur cette Terre. La grande charité du couple se vit un jour gratifiée. Alors qu'ils ne s'y attendaient pas, les époux Nadler apprirent que leur ami Fritz, décédé peu de temps auparavant, leur avait légué sa maison à Glasbronn, non-loin de Bitche.
Après avoir longuement pleuré leur défunt ami, ils se rendirent dans la vallée, pour visiter leur nouvelle propriété. C'était une jolie maison blanche, à flanc de colline, et entourée de prés verdoyants. Le terrain était traversé par les eaux chantantes du modeste cours d'eau, serpentant à Glasbronn. Pour l'enjamber, un petit pont de bois avait été construit. Il faisait tout l'ornement de la propriété, tant la végétation et notamment le lierre, l'avait gracieusement paré. Gottfried, admiratif, se retourna vers sa femme qui en conclut sèchement : "Il faut ici un pont de pierre ! "
Le pont de la discorde
A ces mots, Gottfried rétorqua que sa femme n'y comprenait rien, et que ce joli pont ne devait être supprimé. Le jardinier qui avait assisté à la scène, fut surpris de voir le couple Nadler ainsi en désaccord. Le soir venu, l'ambiance fut maussade, le repas mauvais et la bière imbuvable. La voix mélodieuse de Waltraud ne se fit pas entendre et le vieux Gottfried ne lut pas à sa femme les dernières nouvelles. Ils se couchèrent sans se saluer pour la première fois depuis 35 ans ...
Le lendemain, Gottfried fut surpris lorsqu'il entendit frapper vigoureusement à sa porte. A sa surprise, ce fût l'architecte Johannes qui se présenta sur le perron. Il était venu à la demande de Madame Waltraud, et avait déjà élaboré quelques esquisses sur le pont de pierre. Il n'en coûterait qu'une dizaine de milliers de francs, bâti en beau grès rose de Rothbach.
Gottfried tenta de s'opposer au projet. Mais la véhémence de sa femme finit par le faire céder et huit jours plus tard, les ouvriers commencèrent à démonter le vieux pont. Il fallu arracher les longues lianes de lierre, dont les feuilles tombaient comme des larmes dans la rivière. On se chargea ensuite d'arracher la structure de bois, dont les craquements semblaient être des cris de douleur. Puis on creusa de solides fondations sur lesquelles on bâtit une belle arche de pierres. En quelques jours, et sous le regard satisfait de Waltraud, le joli pont de bois avait laissé la place à un lourd et massif pont de pierres.
Un pont infranchissable
Une fois les travaux réalisés, le couple s'installa à Glasbronn. Un beau jour, Waltraud prit son époux par le bras. Pensant que leur bonne entente était de retour, elle lui demanda s'il le pont était assez solide . Gottfried répondit brutalement : "C'est horrible, affreux, idiot et je me suis fait un serment ! " Interloquée, Waltraud demanda de quelle nature était cette promesse. Eh bien, Gottfried avait décidé de ne jamais traverser ce pont. Folle de rage, Waltraud lui jura qu'il le franchirait, il rétorqua que non !
Dès lors, le couple n'échangea plus un signe de tendresse, et les deux vieillards vécurent côte à côte dans le silence. Parfois, il arriva qu'ils se promenaient ensemble sans dire mot. Et dès que le couple approchait le pont, Gottfried baissait la tête et s'en détournait tristement. Pendant cinq longues années, le vieil homme se refusait obstinément à poser pied sur les froides pierres de l'édicule. Ces longues années de silence semblaient affecter non-seulement le couple, mais aussi la maison qu'ils habitaient. Les passants songeaient à la coquette et riante demeure qu'ils occupaient autrefois ...
Une fin heureuse ...
Un matin, un cri déchirait le silence de la forêt. Un agneau s'était échappé de la bergerie du voisinage et se retrouvait en bien mauvaise posture. Deux chiens errants grognaient autour de lui en montrant leurs crocs ! Gottfried sorti rapidement de la maison en hurlant pour faire fuir les deux chiens. Il leur jetta tout ce qu'il trouvait sur son chemin, mais les chiens grognaient de plus belle ! Gottfried saisit un bâton et sans plus réfléchir, passa le pont en pierre qu'il jura pourtant ne jamais franchir. Cette fois, il hurla tellement fort que Sa femme en fut réveillée et que les chiens, aussi féroces soient-ils, prirent la fuite ! Le vieil homme prit l'agneau tremblant dans ses bras et pressa sa tête contre sa joue. Waltraud accouru elle aussi. En voyant la scène, elle ne put s'empêcher de fondre en larmes, Gottfried avait enfin franchit le pont ! "Tu vois" dit-elle, "ce n'était pourtant pas si difficile..." Et depuis ce jour-là, c'est ensemble qu'ils traversaient le pont de pierres.
Une petite chapelle en bois au milieu de la forêt !
Un rocher baigné de soleil
Au menu : aiguillettes de canard !
La poêle en fonte sert aussi pour les bananes flambées ...
Une belle forêt d'automne
Une lourde dalle inclinée
Le rocher aux trois cavités
A la lueur d'une lampe ...