Je profite d'une belle journée printanière pour aller visiter quelques ruines dans les Vosges du Nord. Le Schoeneck était au programme (voir article précédent), mais aussi d'autres ruines de châteaux forts moins connues et souvent délaissées par les randonneurs. Comme souvent, quand je viens dans le coin d'Obersteinbach, je passe par Jaegerthal. Aujourd'hui, c'est décidé, je m'arrête prendre quelques photos de la vieille forge. Comme il n'y a pas de hasard dans la vie, je rencontre un vieil homme qui me raconte en détail l'histoire de la forge et des De Dietrich.
Rassurez vous, je ne vais pas tout mettre par écrit, ce serait bien trop long. Juste le début de l'histoire pour vous mettre l'eau à la bouche...
Après une bonne heure passée dans les ruines de Jaegerthal, je me rends à Obersteinbach pour emprunter le sentier qui mène au Gabelfels, un rocher remarquable. Il semblerait qu'on y ait fait le ménage dans la sapinière qui l'entoure car lors de ma première visite qui remonte à quelques années maintenant, on voyait à peine le rocher émerger des cimes des conifères. Les ruines du Wittschloessel et du Wineck seront mes prochaines étapes avant de rejoindre le Schoeneck par une ligne de coupe bien raide. Mais avant cela, il était l'heure de dresser la table dans un beau cadre médiéval comme j'aime...
Carte IGN :3814 ET
Le Gabelfels est adossé au Walterstein, un nom certainement inspiré des exploits de Walther d'Aquitaine. Ses célèbres batailles sont chantées depuis le haut moyen âge et ainsi transmises de bouche à oreille. A cette époque, peu de gens savaient lire et écrire...
Gabelfels est certainement aussi un nom qui nous vient du moyen âge. Gabel signifie fourchette et à cette époque, cet ustensile ne possédait que 2 branches.
Le rocher fortifié n'était probablement pas habité. Tout au plus servait-il de tour d'observation qui surveillait les passages du col.
Mal placé sur son éperon, dominé presque par le rocher voisin, le Wineck garde son mystère sur son origine. Sans doute construit vers la fin du XIIIème siècle par une branche des nobles de Windstein, lignée particulièrement prolifique, il est occupé en 1317 par Frédéric de Schmalenstein, marié à une Windstein. En 1463, la moitié du château est vendu à Simon de Zeisigheim, mais les Windstein se gardent le droit d'occuper 2 salles taillées dans le roc. En 1482, le châtelet passe aux mains d'Eckbrecht de Durckeim, déjà installé au château voisin du Schoeneck. Comme ce dernier, le Wineck a trépassé sous la poudre noire de Louis XIV.
Un certain Demange Didier, né en 1549 en Meurthe et Moselle est venu s'installer en Alsace car il craignait les persécutions du duc de Lorraine. Il demande le droit de bourgeoisie à la ville de Strasbourg. L'Alsace est encore Allemande, les traités de Westphalie ne seront signés qu'en 1648, c'est pourquoi Didier Demange germanise son nom. Demange, prononcé "dimanche" par les Alsaciens, est vite traduit par "Sonntag" et Didier devient "Dietrich". Il sera le fondateur d'une longue lignée de bourgeois banquiers, hommes politiques et industriels. Plus tard, la famille sera anoblie par le roi Louis XV pour devenir De Dietrich.
Louis XIV n'aimait pas les Alsaciens. C'était réciproque car le bon Roi Soleil avait la fâcheuse tendance à faire sauter leurs châteaux de montagne à coups d'explosifs. La Cour changera d'opinion à l'arrivée de Louis XV, qui avait pris conscience du potentiel de ces rebelles qui baragouinaient des choses incompréhensibles...