N'avez vous jamais ouï parler de l'un de ces contes fantastiques, mettant en scène les emblématiques habitants des sous-bois, les nymphes des chênes, les lutins et sotrés, ogres et géants des forêts, elfes, fées des eaux limpides et autres Bonnes Dames des rochers ?
Bien des lieux dans nos Vosges en revendiquent la présence et oh combien d'ouvrages en déploient les bons et mauvais présages. Les contes et légendes à leur effigie sont nombreux et bien gardés par la mémoire collective, tels des trésors retraçant le merveilleux dans les histoires locales. Peut être pourrons-nous y greffer la nôtre ?
C'est dans cette ambiance "poudre de grimoire" que nous nous rejoignons ce matin-là, à une demi-lieu de marche du col du Molloch, avec une idée bien ficelée en tête ! Soulever le couvercle de la boîte de Pandore et ouvrir les portes du conte à cette sympathique randonnée. Ne voulant perdre aucun instant, nous pressons le pas, et nous nous laissons guider par l'orbe des vents.
Nos silhouettes s'effacent peu à peu dans un couloir de chênes, singulièrement feutrés de brume. C'est ici même que débute l'histoire d'Eurydice et ses six clés forgées.
Eurydice était toute de blanc vêtue, le teint poudré, le regard noir et perçant. Elle était d'une grande bonté. Ses journées, elle les passait à sillonner monts et vallées, de celle étroite du Stockbronn à celle de l'Erlenmoos plus au Nord-Est, à la poursuite des mauvaises âmes.
Elle aimait sortir de ses rochers, faisant la ronde des chênes et des pins, s'attardant sur les branches accueillantes de l'un, visitant les occupants d'un autre pour y disperser le bonheur et la justice du bout de sa clé, jusqu'au soir venu. Véritable Dryade errant librement dans les forêts, elle en incarne la force végétative.
Sa clé, issue d'un trousseau de six, faisait partie d'un trésor originel. Six pièces uniques forgées à l'enclume par un maître et remises par lui pour veiller à la pérennité des éléments de la Nature et des valeurs des Hommes.
Advint un jour où la paix du lieu fût troublée par le Molloch, un géant banni arrivé d'un horizon lointain. Il était capable d'abattre à lui seul un bois tout entier ou même d'araser une montagne. Ce dernier profitait des nuits de lune rousse pour enrôler les peuples de cette forêt, leur tenant de bien maléfiques discours autour d'une table de pierre.
Une nuit, lors de ses sinistres ritournelles, il fut embaumé par un épais brouillard et perturbé par les versets que fredonnait la Dame du fond de son sommeil. Il entra alors dans une colère sans égale, frappa si fort de son poing sur la table qu'il l'a fit basculer. Il se sentit très vite happé dans les sillons de brume qu'avait fait parsemer Eurydice pour l'y perdre. Les ordres du Bien et le Respect authentique et profond de la Nature qu'elle prônait, eurent raison du malvenu !
L'histoire raconte que le Molloch détala en trébuchant sur le massif. Il perdit un des sabots le chaussant et disparu à jamais dans l'immense labyrinthe des brumes. Son soulier se figeant alors instantanément dans le roc.
Que la brume fût belle ce jour-là songe t-elle, plongeant une dernière fois son regard dans ce ciel paré d'écarlate. Rejoignant sans tarder les profondeurs de sa forteresse dans les rocs...
Carte IGN : 3713 ET
textes et modèle : Caroline J.
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