C'est une belle journée ensoleillée de janvier qui me donne envie d'aller redécouvrir quelques châteaux des Vosges du Nord. Je trouve que la période hivernale est la plus adaptée à la visite des ruines pour la simple raison que la végétation ne cache pas une partie de ces vieilles pierres.
Je me gare au parking du col de l'Ungerthal (alt 436m) pour rejoindre le château par le rectangle rouge, en passant par la tour panoramique du Wasenkoepfel (alt 522m).
Quelques pierres à cupules sont également visibles sur le sentier, en passant par le rond bleu, et également une étrange rigole courbe taillée dans le grès, dont la signification m'échappe complètement.
Carte IGN 3714 ET
Le col de l'Ungerthal est le point de départ de cette ballade d'un peu plus de 3 heures, visite des monuments et pause repas comprises.
On rencontre plusieurs clairières comme celle-ci dans la belle forêt de Niederbronn où il n'est pas rare de pouvoir observer des biches venant brouter à la première lueur du jour.
A part la cime des arbres, on ne peut malheureusement plus voir grand chose du haut de la tour du Wasenkoepfel.
Sur cette tour est apposée une plaque métallique où est inscrit un texte poétique en allemand de Auguste Stoeber d'Oberbronn :
Hier schaut' ich mit heiteren Blieken,
Mit herzinnigem Entzücken
In das schoene Land am Rhein,
In mein schoenes Alsaland hinein.
Sur le sommet du Reisberg (alt 433m) qui domine Niederbronn, les Romains avaient déjà édifié 2 temples dédiés à Teutatès puis à Mercure environnés de nombreuses sépultures.
Les vestiges des temples ont été murés contre le rocher du Wachtfels.
Les Romains sont présents dans ce secteur depuis -30 jusqu'à vers l'an 400.
Une inscription latine est gravée dans le linteau, sa traduction est inscrite sur un panneau explicatif à proximité du rocher.
Ce château fort a quelque chose de particulier : il ne possède pas de donjon. C'est un énorme mur-bouclier de 4 mètres d'épaisseur et 18 mètres de haut qui remplit se rôle défensif et refléte bien l'art militaire médiéval de fin du 13ème siècle. Il est unique en Alsace.
Le sommet du mur portait des hourds en encorbellement d'où l'on tirait sur les assaillants.
Cette façade est percée de 3 ouvertures : en haut à gauche se trouve une belle fenêtre à arc brisé avec oculus. les 2 autres ouvertures sont des latrines en encorbellement, une par étage du logis, c'est le comble du luxe pour l'époque.
Les origines du château demeurent obscures. Il connait plusieurs propriétaires au cours de son histoire. Il est malmené et pillé en 1525 durant la Guerre des Rustauds et reconstruit en 1535 par Jacques de Deux-Ponts-Bitche.
Sur cette photo on voit clairement le contraste entre les belles pierres à bossages (à droite) d'origine du 13ème siècle et celles, lisses, (à gauche) après sa reconstruction au 16ème siècle.
Le puissant mur-bouclier protège le somptueux et confortable palace du seigneur construit sur 2 niveaux en longeant parfaitement le rocher qui lui sert d'assise. Le 1er niveau est éclairé par de belles et grandes fenêtres à banquettes à arc brisé. Au dessus de la porte d'entrée est fixée une plaque rappelant le passage de Goethe en 1770.
L'intérieur du logis est très bien éclairé par les nombreuses fenêtres. On voit les vestiges de la monumentale cheminée qui chauffait les 2 niveaux. Un conduit plus étroit en haut était taillé dans la maçonnerie, utilisé cette fois dans la partie cuisine du batiment.
Le joyaux de la Wasenbourg est évidemment cette gigantesque baie ogivale à 9 lancettes et ornée de 7 oculus. Les nombres sont bien sûr tout un symbole au Moyen-Age . Cette fenêtre a été restaurée au tout début du 20ème siècle.
Une élégante frise orne ce mur. L'appareillage (les blocs de pierres) est très soigné.
On voit que c'est le travail d'ouvriers hautement spécialisés.
A l'étage, tous les blocs sont dotés d'un trou. C'est un trou de levage pratiqué par le tailleur de pierres pour permettre d'utilisation d'une pince auto-serrante. Cette pince a l'aspect d'une grosse tenaille en forme de 8 pour les plus courantes mais il en existait d'autre.
La construction soignée réserve une autre surprise : de nombreuses pierres portent des marques de tâcherons, sorte de signature de l'ouvrier. En principe, chaque ouvrier avait sa "marque de fabrique" et gardait la même d'un chantier à l'autre. Cette marque facilitait aussi le paiement des ouvriers. Donc ce qui est surprenant ici, c'est qu'on trouve les mêmes marques de tâcherons à la cathédrale de Strasbourg. On peut donc supposer que les bâtisseurs de la cathédrale sont aussi ceux de la Wasenbourg. Ce qui amène à dire que c'est l'évèque, Jean de Lichtenberg, qui aux environs de 1260 serait le commanditaire du château.
La belle fenêtre à oculus et à banquettes nous est parvenue intacte. On voit bien ici l'épaisseur du mur alliant robustesse et élégance.
Sur le mûr où se trouve la porte d'entrée, il y a une tête sculptée. La légende dit que c'est le portrait de l'architecte. La coiffe est celle du XIIIème siècle, portée par les artisans.
Autre curiosité, cet oriel dont l'usage n'est pas certain. Il aurait pu servir d'abside à la chapelle castrale, comme celui du Landsberg.
Sur le chemin du retour, on tombe sur cette rigole taillée dans le rocher. Qui sait quand, par qui et pourquoi elle a été taillée ?
Bien des mystères se cachent au fond de nos forêts et c'est bien cela qui contribuent à leurs charmes.