Entre Lembach et Schoenau (Palatinat), la route s'enfonce dans la profonde vallée de la Sauer. Une énorme barre rocheuse porte les vestiges de ce que fût autrefois la forteresse d'une des plus puissante dynastie de Basse-Alsace.
Sa date de construction est incertaine. Le nom de Fleckenstein apparait dans les textes anciens en 1174, cela veut dire que le château existait déjà. Le site de construction est stratégique : il contrôle un point où se croisaient 3 peuples, 3 régions et 3 évêchés. Au Nord, "Rheinfranken" (le Palatinat actuel), au Sud, l'Alsace et à l'Ouest, la Lorraine. Sur le même secteur se touche les évêchés de Metz, Strasbourg et Spire.
Avant de prendre le nom du château, les Fleckenstein étaient des proches de l'empereur Hohenstaufen, considérablement anoblis par celui-ci, pour l'assister et le représenter sur ses terres alsaciennes. L'histoire du château est aussi longue que la lignée de la famille qui l'habitait. Le dernier héritier mâle décède en 1720.
Carte IGN : 3814 ET
Le château du Fleckenstein.
La place forte est si bien conçue qu'elle ne sera jamais prise et ce pendant plus de 500 ans.
La basse-cour.
On voit encore nettement les profondes rainures laissées par le passage des chariots. A droite une des tours-portes de défense elle même défendue d'une canonnière, balayant le champ d'approche. Une longue inscription presque effacée en langue germanique est grâvée dans ses mûrs et annonce : "Que cette porte avancée et le passage voûté ont été édifiés en l'année où l'on comptait après la naissance du Christ 1428 années, à ce moment le sester de céréales valait 10 schillings-pfennigs et l'ohm de vin valait 8 schillings et 10 talers".
A gauche de la porte se trouvait des granges et la forge.
Au bas de la grande tour carrée, qui est en fait une tour-escalier construite en 1545, se trouvait un pont-levis manoeuvré depuis la tour semi-circulaire. Aujourd'hui c'est une passerelle fixe qui permet de traverser le fossé.
Une reconstruction d'une roue écureuil qui servait de moteur pour monter les lourdes charges jusqu'au sommet du rocher. 1 ou 2 hommes y prennaient place suivant la charge à monter. Ce système était très dangereux. Un faux pas, et la charge retombait, entrainant la roue en sens inverse, blessant grièvement ou tuant l'occupant de la roue.
A l'Ouest de l'énorme barre de grès rose bigarrée (d'ou le nom de Fleckenstein), on trouve se piton sur lequel était construit une maison à colombage de plusieurs étages. Le rocher a été creusé et abrite un escalier en colimaçon permettant l'accès au sommet.
Une attache pour les chevaux taillée dans le grès.
Nous nous trouvons dans la salle du puits entièrement taillée dans le rocher.
Le puits du château a 2 fonctions : c'est par la partie supérieure du boyau qu'étaient acheminées les charges vers le sommet du château. La partie inférieure formait le puits traditionnel où l'on puisait l'eau, le tout avait une hauteur d'environ 75 mètres.
C'est au fond de ce trou que la légende du château prend naissance : le seigneur des lieux ayant décidé de faire creuser le puits fît appel à plusieurs puisatiers qui échouèrent dans leurs tentatives. Un jour, un homme se présenta et lui promit de trouver de l'eau. Il commença le travail et jour après jour le puits s'enfonça dans les entrailles du roc. Cela dura des mois. Un jour, il invita le seigneur à descendre avec lui au fond du puits car il y avait trouvé de l'eau fraiche et abondante. Au fur et à mesure de la longue descente, la chaleur devint infernale et le puisatier fût pris d'un rire inquiétant. Tout à coup, le sire de Fleckenstein vit d'énormes flammes comme celles de l'enfer. Il comprit que c'était le diable. Il cria le nom de Dieu et le diable se jetait dans les flammes. Les serviteurs le hissèrent hors du puits et on jeta de l'eau bénite dans les profondeurs.
L'endroit où se trouve Hugo est le passage de la roue à écureuil. Le trou rectangulaire était l'encrage de son axe. Les marques laissées par les pointeroles sont encore visibles.
Une petite illustration pour mieux comprendre tout ce système.
Sur le fronton de la porte de style Renaissance figurent 2 blasons : à gauche celui des Kronenberg (l'épouse de Frédéric de Fleckenstein). Et celui des Fleckenstein, à droite.
Le Fleckenstein représente le modèle même d'un château troglodytique avec ses salles, couloirs, puits et escaliers taillés dans le rocher. Ici c'était une des salles de garde avec un pillier central soutenant le plafond.
Les Fleckenstein se scindèrent en 3 lignées dont l'une bientôt s'éteignit. Au fil du temps, on stocka dans une grande pièce du château tous les documents et archives de la famille. On fît fabriquer 2 serrures et chacune des 2 lignées reçut une clé. L'ouverture de la salle des archives ne pouvait se faire qu'en présence des 2 lignées.
Les défenses du château ne manquent pas d'ingéniosités. Ici un escalier secret, gagné également dans le grès rose courrait en parallèle d'un autre escalier. Les défenseurs pouvaient surprendre l'assaillant dans le dos en empruntant cet escalier.
Devinez qui c'est ?
La barre rocheuse est un véritable gruyère. Ses dimensions sont : 100 mètres de long, 30 mètres de haut et 5 à 8 mètres de large au sommet.
On arrive enfin au sommet du rocher. Voici encore une pièce creusée dans la roche.
Le seul vestige de muraille de la partie sommitale du rocher. Sur un montant de fenêtre, on distingue un blason de la famille. Un petit livret intitulé "Das Seelzagende Elsass" imprimé en 1676, rapporte que le 19 février 1674, un fort contingent de Français conduit par le marquis de Vaubrun, est arrivé sous les mûrs du château en exigeant la réddition sous menace de pendre les 14 paysants qui y montaient la garde. La dessus, les portes fûrent ouvertes et les Français pénètrent dans la place. Le château ne fût pas encore détruit mais seulement pillé. En effet les registres mentionnent encore 18 baptêmes et 6 mariages en la chapelle castrale.
Les seigneurs de Fleckenstein doivent à plusieurs reprises emprunter de l'argent pour, sans cesse l'agrandir et l'adapter aux nouvelles méthodes de guerre.
La vue donne à l'Est sur la forêt du Thalenberg et le Gimbelhof, au Nord sur les châteaux forts du Hohenbourg et du Loewenstein, au Nord-Ouest sur le Hirtsfels et le village de Schoenau, à l'Ouest sur les collines du Wasgau et la vallée de Steinbach et au Sud sur l'étang du Fleckenstein.
Une autre illustration de la ruine.
Quelques marques de tâcherons sur les pierres à bossages.
Les tours de flanquement sur la face Sud. On a pas encore parlé de la destruction. Quelques années après le sac de Lembach, les troupes Françaises reçurent l'ordre de détruire tous les sites qui pourraient servir de refuge aux maraudeurs ou devenir des points d'appui pour les ennemis du royaume. Les troupes du général de Monclar s'acharnèrent en 1680 à détruire à coups de canons et d'explosifs les forteresses du coin. Le Fleckenstein fût, à cette occasion, ruiné.