Chaque fois que je prends la direction de la Schlucht, en empruntant la Vallée de la Fecht, pour rejoindre la route des Crêtes ou autre, mon regard accroche imanquablement cette tour ronde qui émerge de la forêt au sommet d'une colline. C'est aujourd'hui, en redescendant du Petit Ballon que je me décide enfin à visiter les quelques vestiges de cette forteresse.
Carte IGN : 3718 OT
Situé sur le ban de la commune de Wintzenheim (68) à 454m d'altitude, le Pflixbourg avait pour mission de surveiller l'entrée du Val St Grégoire, comme on l'appelait à l'époque, au fond duquel se nichait l'abbaye de Munster.
A l'approche de la ruine, on a du mal à la distinguer dans l'épaisse végétation qui l'entoure. Construit entre 1212 et 1219 par Albin Wölfelin de Haguenau, bailli impérial (Reichslandvogt) de Frédéric II de Hohenstaufen, il apparait dans les textes dans une charte datée du 7 mai 1220. Il est alors appelé Blicksberg. Conrad Werner de Hattstatt y réside.
Voici l'entrée du château. Dommage qu'elle soit prise par la végétation. Ce type d'entrée est unique en alsace. Sa porte est placée à l'extrémité de ce couloir de 12m de long et 4,5m de haut. Les spécialistes appelent cet ouvrage "Zangentor" - la porte qui vous prend en tenaille. L'assaillant est attiré dans un piège mortel.
L'entrée de ce piège est défendue par des meurtrières de part et d'autre en plus d'un chemin de ronde sur tout le périmètre des murs du château.
Le plan du château obéit à un schéma typique de l'époque. L'enceinte héxagonale, aux angles arrondis, est ceinturée par un large fossé dont sont tirés les matériaux de construction.
Le 3ème système de défense de ce "Zangentor" était cet escalier qu'il fallait gravir non seulement en portant une lourde armure mais il fallait aussi amener le "bélier" pour défoncer la monumentale porte d'entrée.
Il n'y a pas de puit au castel, les constructeurs ont donc creusé une immense citerne souterraine à filtration, récupérant l'eau de pluie de toutes les toitures, taillée dans le roc de dimension 5 x 7 mètres.
Intérieur de la citerne. Sa voute en berceau s'élève à 5 mètres.
Les logis seigneuriaux s'appuyaient sur le flanc Ouest. Ils possédaient des caves. On retrouve une série de fenêtres à banquettes qui prennaient la lumière du côté Ouest. Elles éclairaient les grandes salles. De part et d'autre du logis s'élevaient des écuries.
Ces baies étaient géminées, leurs encadrements sont réalisées dans le grès rose, contrairement au reste du château qui est bâti en granite, dont l'appareillage est réalisé en bloc de petite dimension. Malheureusement, les menaux de ces fenêtres ont aujourd'hui disparu.
Je trouve vraiment dommage que la végétation envahit complètement le château. Surtout pour une région qui se veut aussi touristique et qui possède un patrimoine médiéval aussi important.
Le donjon cylindrique de 23 mètres de haut est l'un des premiers de ce type en Alsace. Il nous est parvenu quasiment intact. Il est trop étroit pour être habitable et ne servait qu'en cas d'ultime repli.
Les chercheurs de trésors du début du XIXème siècle ont percé cette brèche à la base du donjon, permettant de voir l'épaisseur de la muraille (3 mètres à la base).
L'intérieur du donjon.
Chaque rangée de corbeaux matérialisent les différents niveaux de la tour. L'ouverture que l'on voit est la porte d'entrée d'origine. Juste en face d'elle, se trouve une archère, largement ébrasée vers l'intérieur apportant le peu de lumière à l'étage.
Le château est grâvement endommagé vers 1446 dans le conflit qui oppose les Hattstatt aux Ribeaupierre. Les fouilles indiquent que le château n'a plus été habité par la suite et a été abandonné. L'absence d'adaptation à l'artillerie semble également démontrer cette hypothèse.
La véritable porte d'entrée, en arc brisé, est également construite en bloc de grès. Elle est placée à 9 mètres du sol. On y accédait par une échelle où un escalier en bois, dont les 2 points d'encrages sont encore visibles sous la porte.
Les troupes Françaises, commandées par la marquis de Manicamp et stationnées à Colmar, démentèlent le château déjà ruiné en 1658.
Au Sud Est, on aperçoit le Hohlandsbourg (au téléobjectif).
A l'extérieur se trouve une borne grâvée des armoiries des Ribeaupierre.
A l'envers de cette borne, on trouve une fleur de Lys barrée de la masse d'armes à 5 branches, blason de Colmar.
Une autre borne plus récente, un peu plus loin montre cette même héraldique.
Le castel a bien sûr sa légende : le 23 septembre 1276, messire Conrad Werner de Hattstatt perdait son épouse Stéphanie de Ferrette qui mourut au Pflixbourg. La défunte était la fille du comte Ulric de Ferrette. Les annales de Colmar lui donnent le titre "d'advocatissa". Comme il convient à une Dame de haut lignage, elle fût inhumée au couvent des Unter-linden de Colmar. C'est quelques temps plus tard que les religieuses virent apparaîtrent, sous les voûtes du cloître, une dame blanche qui effraya tout le monde. On parle dès lors de la dame blanche du Pflixbourg.