Au début, les Alsaciens n'y allaient pas, car c'était le château de l'Allemand. Le château, c'est le Haut Koenigsbourg, qui ne reçu ce nom qu'au XVème siècle. Avant cela, il s'appellait Staufenberg, du nom de la montagne sur laquelle il est construit. Sa silhouette en grès rose, allongée sur un éperon rocheux, est connue dans l'Europe entière. Le château ne connut pas de grandes épopés durant son existence médiévale. D'abord au centre de la puissance des Hohenstaufen, puis la propriété de petits seigneurs de la noblesse alsacienne, en partie détruit puis reconstruit et modernisé au XVème siècle, il entame un long déclin aux siècles suivants.
Les Thierstein héritent du château en ruine en 1479 et sont chargés de le reconstruire. Ils y engouffrent une fortune colossale pour en faire une résidence moderne et adaptée à l'artillerie. Le magistrat de la ville de Strasbourg leur verse une aide de 8000 florins.
En 1633, il est à nouveau cité comme étant en mauvais état; les matériaux se dégradent vite à 757m. d'altitude. Les troupes Suédoises assiègent le château, mais malgré son délabrement, ses canons continuent de fonctionner. Le siège dure 52 jours, les murs resistent mais la garnison affamée se rend. Le chef des Suédois, l'Oberwachtmeister Georges-Sébastien Fischer le fait incendier après un pillage sommaire.
En 1871, le Reich Allemand reprend l'Alsace et la Moselle. En 1899, la ville de Sélestat offre le château à Guillaume II. Celui-ci veut alors marquer symboliquement la frontière occidentale de son empire. Il nomme l'architecte Bodo Ebhardt à la tête du vaste chantier de reconstruction qui durera 8 ans, financé par des fonds publics. C'est un chantier pharaonique. Des centaines d'hommes y travaillent 10 heures par jour et 6 jours par semaine mais le Kaiser paye bien et garantit du travail pour plusieurs années. Une aubaine !
La reconstruction coûte la bagatelle de 2,35 millions de Marks, le double du devis initial. Un train circule entre la carrière de l'Oedenbourg et le chantier. 2 grandes grues électriques se chargent de hisser les gros blocs au sommet du donjon. Le 13 mai 1908, le château à la gloire du dernier empereur allemand, est inauguré en grande pompe sous une pluie battante. 500 figurants en costume y participent. Guillaume II n'a jamais passé aucune nuit dans sa nouvelle maison...
La cérémonie d'inauguration du 13 mai 1908 s'ouvrit sur une ode à Guillaume II, dont la conclusion : Eine feste Burg, ein festes Reich - Un château fort, un Empire fort, exprime de façon limpide la dimension politique de l'entreprise.
Le donjon carré de 65 mètres de haut domine l'ensemble des murailles avec leurs oriels et les latrines en encorbellement. Bodo n'a pas hésité à rajouter 4 étages supplémentaires au donjon pour plaire à son commanditaire.
Le pont levis abaissé permet l'accès à la porte des Lions.
Beaucoup d'éléments architecturaux ont été retrouvés dans le puits lors des fouilles. Il est creusé à 62m de profondeur pour trouver l'eau qui ne tarie jamais.
Tout ce couloir est entièrement d'origine médiévale. Guillaume n'avait plus qu'à passer un coup de balai et accrocher les lampes...
Un guerrier enchainé. Allusion aux exploits d'Oswald de Thierstein à la bataille de Nancy (1477) contre les Bourguignons de Charles le Téméraire où le comte s'illustra.
Le visage en haut du grand escalier.
La surcharge de décoration n'a plus rien de médiéval.
L'anti chambre de l'impératrice. Le coffre blindé est d'époque.
La salle du Kaiser Guillaume de Hohenzollern ne respecte évidement aucun tracé médiéval. Les corbeaux à la mi-hauteur des murs indiquent qu'il y avait un plafond à ce niveau. Mais l'empereur a voulu une salle digne de son rang et de celle du grand Reich dans l'Europe. Un autre détail qui a fait couler beaucoup d'encre est l'inscription sur la grille de la cheminée : "Ich habe es nicht gewollt" - je ne l'ai pas voulu. Mais quoi donc ?
Les armoiries des comtes de Thierstein.
C'est là qu'intervient Leo Schnug, originaire de Strasbourg. Il remplit les murs de fresques à la gloire de chevaliers teutoniques dont la salle des fêtes est recouverte avec faste. Schnug n'avait pas d'état d'âme politique et devient l'ami de l'Allemand qui le décore du Rote Adlerorden pour son travail dans la restauration mégalomaniaque et un peu kitsch, il faut bien le dire...
La fresque montrant le siège de 1462 qui échoua, alors que tonne la grosse pièce Baloise. Après la guerre, Schnug c'est vu reproché son excès de zèle et son oeuvre pangermaniste. Alcoolique, il mourut à l'hôpital psychiatrique de Stéphansfeld à Brumath en 1933.
Il faut lever les yeux au plafond pour voir l'aigle impérial avec sa devise "Gott mit Uns", Dieu avec nous...
Les meubles sont d'époques très différentes. Le dragon au plafond est une copie de celui de la cathédrale de Metz (le Grauli). Le monstre éxigeait chaque année un tribut, de préférence des enfants désobéissants que les parents lui apportaient. Le motif du plafond vient d'une maison médiévale de Rethel (Ardennes).
La restauration du château fut très critiquée et les caricaturistes tels Jean-Jacques Waltz, plus connu sous Hansi, s'en donnèrent à coeur joie. Le très francophile Hansi ne pouvant s'attaquer directement à l'empereur se lachait sur le château et les fresques de Schnug qu'il appelait "Schnag", l'escargot, dans ses caricatures.
Bodo Ebhardt a volontairement laissé en place les graffitis trouvés dans la ruine, pour conservé le peu d'âme de ce qui restait du château...
La salle des trophées. Le Kaiser était grand amateur de chasse. Là aussi, des fresques de Léo Schnug dont un Saint Hubert devant la vision du cerf mystique.
La cour intérieure et l'escalier d'honneur, fantaisie du 20ème siècle.
La salle d'Arcs ou salle d'armes renferme une belle collection d'arbalètes, de hallebardes, d'épées maniées à 2 mains, des masses d'armes, arquebuses et autres armures.
On avait de l'imagination et on savait s'amuser au moyen âge...
Le masque de la fosse des Ours. Un nom inventé par le Kaiser.
Le guerrier teutonique lourdement armé, au regard évasif.
Une des salle du grand bastion.
Le donjon était surnommé "Guck ins Land" au XVIème siècle. Le regard sur le pays.
La plus grosse pièce date de 1669 et pouvait tirer des boulets de 24 livres à plus d'un kilomètre.
Celles-ci sont du XVIème siècle.
Aujourd'hui, le Haut Koenigsbourg est l'un des monuments le plus visité de France avec plus d'un demi million d'entrées par an.
Dernier article publié sous cette forme, après, on verra... Alea jacta est !